Deuxième séminaire international

 Qu’est-ce qu’un répertoire pour marionnettes ?

Prévu à l’origine à Munich, ce séminaire de recherche s’est finalement tenu en ligne les 29 et 30 octobre 2020.

Des spécialistes des théâtres de marionnettes ont pu se connecter depuis 6 pays différents (Allemagne, Espagne, France, Irlande, Italie, Portugal) pour présenter leurs recherches sur les répertoires européens entre le 17e et le début du 20e siècle.

Toute l’équipe de PuppetPlays s’est fortement mobilisée pour ce séminaire en ligne. Les communications ont été traduites à l’avance en français et en anglais (parfois depuis l’italien, l’allemand ou l’espagnol). Nous avons aussi assuré un service de traduction simultanée en anglais, français, italien et allemand quand c’était nécessaire. En effet, comment mener un projet européen qui prend en compte la diversité des cultures et la richesse des pratiques artistiques si on laisse de côté la diversité linguistique ?


 ◊ La notion de « répertoire » est-elle pertinente pour les théâtres de marionnettes ?
◊ Quelles sont les relations de ce répertoire avec celui des théâtres d’acteurs ?
◊ Le choix d’un personnage traditionnel ou d’une technique de manipulation implique-t-il un répertoire particulier ?
◊ Comment le répertoire d’une compagnie ou d’un artiste était- il organisé (quels genres, quels registres, en fonction de quels publics ou de quels calendriers) ?
◊ Comment a-t-il évolué au cours du temps ?
Voilà quelques-unes des questions examinées pendant ces deux jours.

Un grand nombre d’interventions ont porté sur les marionnettes populaires : 


Didier Plassard a montré comment les personnages de Punch, Pulcinella et Polichinelle, dans les spectacles de marionnettes à gaine, jouaient un répertoire spécifique. Ce répertoire, fait de routines et d’archétypes, était très différent des comédies du théâtre d’acteurs ou de marionnettes à tringles dans lesquelles apparaissaient les mêmes personnages.


Simona Scattina nous a fait découvrir les dynamiques de renouvellement dans le répertoire des pupi de la famille Napoli, à Catane, ces grandes marionnettes à tringles qui racontent les histoires de Charlemagne et de ses compagnons.


Francesca Cecconi a étudié de près les ambiguïtés de la référence à la tradition chez le burattinaio (marionnettiste à gaine) Nino Pozzo de Vérone, et Stefano Giunchi a rappelé l’importance de l’improvisation dans les spectacles d’un autre burattinaio, Angelo Cuccoli, de Bologne.


Christine Zurbach s’est penchée sur les difficultés posées par l’historiographie d’une autre tradition populaire de marionnettes à gaine, les robertos du Portugal, et leur renaissance contemporaine.


Pour sa part, Françoise Rubellin a réfléchi sur la place des marionnettes dans les théâtres de la Foire à Paris au 18e siècle : dans quelle mesure cet instrument théâtral, choisi pour contourner les monopoles des théâtres royaux, a-t-il pu donner naissance à un répertoire spécifique ? 


Yanna Kor a présenté le répertoire du théâtre forain Chok-Pitou qui, pendant les 80 ans de son existence, a joué 150 pièces différentes, souvent à grand spectacle, depuis la Passion jusqu’aux mélodrames ou aux adaptations des romans de Jules Verne.

Jaume Lloret a comparé différentes représentations de la Nativité en Espagne, en mettant en lumière les parties profanes de ces spectacles.


Deux interventions, enfin, ont jeté les bases d’une réflexion d’ensemble sur les mutations du répertoire pour marionnettes : John McCormick a souligné la variété des sources d’inspiration des marionnettistes, la diversité des spectacles et leurs liens avec d’autres pratiques théâtrales, en particulier les pantomimes.


Lars Rebehn a montré, en prenant appui sur deux exemples du début du 19e siècle, comment les marionnettistes sont progressivement passés du jeu sur des textes mémorisés au jeu sur des textes lus, c’est-à-dire de la littérature orale à la littérature écrite.


 Les conclusions de ces deux journées, formulées par Francesca Di Fazio et Jean Boutan, ont mis en avant le caractère mouvant des textes et des personnages. Tantôt, on trouve des ressemblances entre divers personnages qui ont été continuellement retravaillés dans le temps, comme Pulcinella, Polichinelle et Punch, Kasperl et Hanswurst ; tantôt, les marionnettistes créent des personnages originaux, comme celui de Crasmagne en France ou celui de Clown en Angleterre ; tantôt enfin, ils transforment entièrement un personnage déjà existant, tel celui de Sganapino à Bologne.
On peut toutefois reconnaître des archétypes, des schémas narratifs et des routines dictés par l’impératif d’une dramaturgie efficace auprès du public. Non seulement ces pratiques définissent une grande variété de genres dramatiques, mais elles déterminent aussi fréquemment un mélange des registres (élevé ou vulgaire, sacré et profane...) au sein d’une même pièce ou d’un même spectacle, créant un espace pour des formes plus éclectiques.
Un autre thème qui a émergé de la réflexion est celui de la place ambiguë qu’occupe la tradition, à la fois conservatoire et transmission. L’histoire de ces répertoires en même temps que leurs réappropriations successives par différentes mémoires collectives les constituent en véritables « lieux de mémoire » européens. 


Toutes ces interventions seront bientôt disponibles dans l'onglet publications.

Dernière mise à jour : 22/03/2022