Lars Rebehn (Puppentheatersammlung Dresden)
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URL : https://nakala.fr/10.34847/nkl.f55bzz17
DOI : 10.34847/nkl.f55bzz17
Cette contribution porte sur le répertoire comme ensemble, c’est-à-dire sur le corpus de textes auquel accédaient les marionnettistes du 17e au 19e siècle, pris individuellement ou dans leur totalité, ainsi que sur la manière d’établir ce répertoire.
« Der gute Mercks » - La bonne mémorisation
Á propos du répertoire pour marionnettes : jouer de mémoire avec ou sans le texte sous les yeux
LE RÉPERTOIRE
On sait peu de choses sur le répertoire des théâtres de marionnettes avant 1720. Il existe quelques listes de titres et très peu d’affiches ou de descriptions de pièces pour nous renseigner. Généralement, on ne fait aucune distinction entre le répertoire des comédiens ambulants et celui des montreurs de marionnettes. Il est certes probable qu’au 17e siècle, ils se ressemblaient beaucoup, mais nous ne savons pas ce qu’il en était réellement. Pour examiner le style spécifique du théâtre de marionnettes, il serait surtout intéressant de relever les différences, voire les divergences entre ces répertoires sur plusieurs décennies. Le répertoire pour marionnettes du début du 19e siècle ne concorde plus que de façon limitée avec celui du théâtre d’acteurs vers 1730. Au 19e siècle en effet, le répertoire pour marionnettes comprend plus de pièces très anciennes que le répertoire pour acteurs un siècle auparavant. Dès lors, il pourrait être considéré comme un vestige ayant traversé le temps et permettant de reconstituer l’ancien répertoire commun (?) du théâtre pour marionnettes et du théâtre pour acteurs en Allemagne.
Avant 1720, il existe certes un plus grand nombre de sources pour le théâtre d’acteurs professionnel, mais le corpus disponible reste dans l’ensemble relativement restreint. On évoque volontiers le théâtre des écoles protestantes et le théâtre catholique des jésuites, dont on a conservé de nombreuses traces écrites. Pour différentes raisons, néanmoins, les pièces de ces théâtres amateurs n’étaient absolument pas adaptées aux représentations des acteurs professionnels, sauf à être profondément remaniées[1].
À partir de 1720 environ, on dispose d’un nombre plus grand d’affiches pour les représentations données par les troupes en résidence, ce qui permet de reconstituer leur répertoire. Il est malheureusement plus rare qu’on ait conservé les affiches des marionnettistes[2]. Les annonces parues dans les journaux, à partir de 1800 dans les grandes villes, et à partir de 1820 dans les petites villes, deviennent des sources importantes. Pour le 18e siècle, on peut reconstituer dans quelques cas seulement une liste de pièces jouées par des marionnettistes ; pour le 19e siècle, il est possible de le faire pour un grand nombre de scènes. À partir de 1800, on dispose également de plusieurs milliers de manuscrits pour marionnettes, qui nous renseignent sur le répertoire. Pour la période précédente, on ne peut comparer que les textes de quelques pièces[3].
L’AUTEUR
En Allemagne, et contrairement à la Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, à la France, à l’Italie ou à l’Espagne, il n’y a pas eu d’auteurs dramatiques professionnels pour le théâtre d’acteurs avant le milieu du 18e siècle. La plupart des pièces imprimées avant 1750 en langue allemande n’ont jamais été représentées par des théâtres professionnels, ou ne l’ont été que profondément remaniées. On représentait avant tout des traductions de pièces étrangères, des adaptations de livrets d’opéra ou des pièces écrites par les chefs de troupes ou leurs collaborateurs. Plus rarement, on remaniait substantiellement des pièces scolaires. Ces modifications se faisaient presque toujours en relation étroite avec la scène.
Les manuscrits étaient conservés avec soin, puisqu’ils représentaient le capital des théâtres. Lorsqu’un manuscrit était imprimé et publié, chaque acheteur du livre pouvait en disposer librement. Il ne fallait pas payer de parts sur les bénéfices. On ignore si les marionnettistes du 18e siècle s’approvisionnaient en textes exclusivement auprès des compagnies théâtrales ou s’ils élaboraient eux-mêmes leurs pièces, mais la première hypothèse est la plus probable. Il existait de multiples formes de relations entre les troupes d’acteurs et les troupes de marionnettistes, sur le plan personnel notamment. Aux alentours de 1800, il est attesté que certains marionnettistes écrivaient eux-mêmes de nouvelles pièces[4].
LA PIÈCE
Les listes de titres nous renseignent peu sur ce qui était joué dans les faits. Bien des pièces furent représentées sous différents titres, y compris sur une même scène. Parfois, des pièces différentes furent jouées sous le même titre. De plus, il existait des pièces dont le titre et le sujet étaient identiques, mais qui différaient considérablement dans leur structure scénique. Un exemple en est Der Bairische Hiesel [Matthias le Bavarois], qui raconte l’histoire du braconnier Matthias Klostermeyer, mort écartelé en 1771 à Dillingen. La plupart des marionnettistes jouaient cette pièce d’après une source orale, probablement apparue avant 1800 et qui ne variait que très peu entre le sud et le nord de l’Allemagne. La version nord-allemande parut vers 1840 à Berlin[5]. Certains marionnettistes utilisèrent également une pièce de Friedrich Kaiser, dont la première représentation eut lieu à Vienne en 1867, et qui fut publiée en 1868. Mais il s’agit d’un texte autonome, sans lien avec les pièces précédentes[6].
Il est donc toujours nécessaire d’avoir connaissance des textes, et pas seulement des titres, pour analyser le répertoire.
LE MANUSCRIT
Sur la scène du théâtre d’acteurs, il fallait recourir à des copies du texte en raison du grand nombre des participants. Habituellement, il n’y avait qu’un seul manuscrit complet. Les acteurs recevaient leur rôle, un extrait du texte entier, de sorte que le chef de troupe restait l’unique détenteur de la pièce complète. Les marionnettistes possédaient eux aussi quelques manuscrits, mais au 18e siècle ils jouaient surtout de mémoire. On pouvait éventuellement faire une relecture du manuscrit pour se préparer lorsque la pièce n’avait pas été jouée pendant un certain temps.
LA PRATIQUE DE JEU
Sur la scène du théâtre d’acteurs, le souffleur – souvent un ancien acteur – était le pivot de l’entreprise théâtrale. Il (ou elle) recopiait les rôles à partir du manuscrit, les distribuait, était tout à la fois le metteur en scène, le costumier et celui qui allumait la rampe. C’était également lui – le cas échéant – qui dirigeait es machinistes et leurs assistants. À l’époque des troupes itinérantes, tout dépendait donc du souffleur. Dans les théâtres permanents, à partir de 1770, le nombre de textes à apprendre s’accrût davantage. Les acteurs devaient alors apprendre jusqu’à 150 rôles par an, ils changeaient souvent de contrat et n’apprenaient habituellement leur rôle que pour une seule représentation. La bonne connaissance du texte était, à côté d’une bonne diction, le principal critère de la qualité d’un acteur.
Pour le théâtre de marionnettes, il y avait souvent deux à quatre manipulateurs qui devaient aussi dire le texte. La distribution idéale était de deux hommes et une femme. Chacun restait généralement à sa place sur le pont[7], de sorte que les gestes et les paroles des marionnettes étaient pris en charge par différents artistes. Un côté était réservé aux hommes, l’autre aux femmes[8]. Il est probable qu’au 18e siècle, on jouait essentiellement de mémoire. Les possibilités d’improvisation n’en étaient que plus grandes. Au 19e siècle, lorsque jouer avec le texte sous les yeux devint la norme, les interprètes, pendant la représentation, avaient sous les yeux le manuscrit dont ils tournaient régulièrement les pages au fur et à mesure que la pièce avançait. Lorsqu’on utilisait un manuscrit, il y avait parfois une copie à part pour les rôles féminins, afin que les femmes puissent lire plus facilement le texte en le gardant à proximité. Les deux copies étaient alors posées côte à côte et on tournait les pages en parallèle. Dans quelques cas isolés, il y avait même des textes ne contenant que les rôles des d’hommes[9]. À l’exception d’un petit nombre de pièces, telles que Médée ou Geneviève de Brabant, la part des rôles féminins était généralement très réduite. L’écriture de certains manuscrits est très petite. Dans ces cas, on peut supposer qu’ils servaient tout de même d’aide-mémoire, mais étaient relus avant la représentation plutôt que posés sous les yeux des interprètes[10]. Comme l’écriture en grandes lettres bien lisibles requerrait davantage de papier, la bibliothèque de textes revêtait également une certaine valeur matérielle. La tentative d’introduction de la censure en Prusse et dans certains autres États allemands contribua certainement à conférer une plus grande importance aux manuscrits dans ces régions[11].
LA MÉMOIRE
Comment doit-on se représenter les capacités mnémoniques d’un montreur de marionnettes ? Le marionnettiste Max Kressig junior (1875-1953), manchot et illettré, était redouté de tous ses collègues pour son excellente mémoire. Il était capable de rejouer toute une pièce en n’ayant assisté qu’à une seule représentation. Son épouse la recopiait sous sa dictée. En même temps, il procédait généralement d’emblée à des améliorations de la pièce. Les membres de sa famille jouaient ensuite avec le texte sous les yeux, et lui de mémoire. C’était toutefois une exception[12].
Le marionnettiste de Chemnitz Christian Heinrich Niedermeier (1836-1913) s’est exprimé à plusieurs reprises sur les textes, les copies manuscrites et la capacité de mémorisation. Enfant, il avait assisté aux représentations d’un marionnettiste professionnel, puis rejoué les pièces sur une petite scène chez ses parents :
Meine guten Merks oder leicht befaßliche aufmerksammkeit, verdanke ich es mehrsten theils, den[n] die Stücke[,] welche ich bei dem Manne sah[,] spielte ich selbst den andern Sonntag in der Behausung meiner Eltern[13].
[Je dois d’abord beaucoup à ma bonne capacité de mémorisation, ou au fait que mon attention est facilement retenue, car les pièces que je voyais chez cet homme je les jouais moi-même le dimanche d’après dans la maison de mes parents.]
Les pièces de son enfance l’accompagnèrent tout au long de sa carrière. Il les représenta lorsqu’il fut l’assistant du marionnettiste Reinbold à Chemnitz. Là, il jouait de mémoire tous les rôles masculins. Les rôles féminins étaient consignés séparément, et lus par la marionnettiste engagée à cet effet :
Herr Reinbold, hat auch nach und nach sich eine Bibliethek an sich gebracht, als ich abging[,] verlor er doch 21 Stück, wo bloß Frauenrolle da war, und die Theaterzettel, aber kein [vollständiges] Stück davon, um nach und nach, da ich mir sie abgeschrieben hatte, habe ich Sie Ihn auch zukommen laßen, und auch noch andere dazu, habe auch wieder welche erhalten wie das nun zu gehen Pflägt[14].
[Monsieur Reinbold s’est construit peu à peu une bibliothèque, quand je suis parti, il a bien perdu 21 pièces où il n’y avait que des rôles féminins, et les affiches de théâtre, mais aucune pièce [complète], et comme je les avais recopiées, je les lui ai fait parvenir, et puis d’autres encore, et j’en ai reçu en échange comme c’est aujourd’hui l’usage.]
Au sujet du lancement de sa propre scène, il raconte :
den 1 Mai 1870, fing wir an[,] 21 Stücke konnte ich auwendig[,] dan wurden Bücher angeschaft, und aufgeschriebenen[,] die ich wuste und dan welche umgetauscht somit kam ich zu Theaterstücke, auch viele gekauft und übesetzt[15].
[Nous avons commencé le 1er mai 1870, je connaissais 21 pièces par cœur, ensuite on s’est procuré des textes écrits, et on a recopié les pièces que je savais et ensuite on en a échangé quelques-unes ; de cette façon je me suis procuré les pièces de théâtre, j’en ai aussi acheté et traduit beaucoup.]
En 1888, interrogé par le docteur et marionnettiste Arthur Kollmann sur l’origine de ses textes, il répondit :
ich Spielte 21. Stücke aus dem Gedächtnieß aber Späther mit den Neuren Stücken verlohr das Gedächtnieß und ich mußte sie aufschreiben wenn, sie sollten nicht verlohren gehen, so mit habe ich alle geschrieben bis auf 4 welche ich nicht mehr recht weiß[16].
[Je jouais 21 pièces de mémoire, mais plus tard avec les nouvelles pièces la mémoire a baissé et j’étais obligé de les noter pour qu’elles ne se perdent pas, de ce fait j’ai mis à l’écrit toutes les pièces sauf quatre dont je ne me souviens plus bien.]
À propos de son prédécesseur Leignitz, expatrié au Brésil en 1869, Niedermeier écrivait :
Leignitz hat 12 Stück war er damit ferdig, und wollte keine Wiederhollung machen, so mußte Ehr fort, dieße 12 Stücke habe ich mir Abgeschrieben. Die Stücke hat Frau Leignitz mit nach Brasielien genomen, wo er Sie hehr hatte, weis ich nicht[17].
[Leignitz avait douze pièces, et comme il les avait toutes jouées et il ne voulait pas se répéter, alors il a dû partir, j’ai recopié ces douze pièces. Madame Leignitz a emporté les pièces au Brésil, mais je ne sais pas d’où elles venaient.]
Jusqu’à sa mort en 1913, Niedermeier rassembla et créa une bibliothèque de textes comprenant plus de deux cents pièces[18].
Il existait donc des marionnettistes jouant de mémoire, capables de retenir une vingtaine de pièces. Toutefois, il y en avait d’autres qui, en dépit de copies écrites, ne possédaient qu’un répertoire de douze pièces et s’en contentaient pour survivre. Au 19e siècle, si on voulait disposer d’un répertoire concurrentiel, il était indispensable de l’élargir. Mais cela n’était possible qu’en jouant avec le texte sous les yeux.
ETUDES DE CAS : le début du 19e siècle
On analysera ci-dessous le répertoire de différents marionnettistes en nous intéressant au nombre de textes qu’il comprend et à ses évolutions à travers les générations. On comparera le répertoire du mécanicien[19] Josef Schütz (actif entre 1808 et 1827) avec celui de son gendre, le « professeur » Carl Eberle (1830-1848), et celui de la famille Schwiegerling (1830-1930), qui jouèrent tous, selon leurs propres dires, sans texte écrit. Viendra ensuite une comparaison des répertoires de Schütz et de Geisselbrecht, lequel mit ses pièces à l’écrit à partir de 1800, élargissant considérablement son répertoire.
SCHÜTZ
Josef Schütz était probablement le fils de l’acrobate et comédien Johann Friedrich Schütz, mort peu après 1760. Sa mère jouait dans un théâtre de marionnettes. Au plus tard en 1792, il s’associa à Dreher, bien plus âgé que lui. Ils circulèrent d’abord, depuis le Palatinat, principalement dans le centre de l’Allemagne (Thuringe, Prusse, Saxe). En 1803, ils arrivèrent pour la première fois à Berlin où ils connurent un grand succès. Dreher mourut vers 1806. Schütz devint propriétaire d’une maison et résident de Potsdam. Dès lors, il joua exclusivement en Prusse, hormis une tournée qui l’amena, entre 1812 et 1817, en Autriche via la Saxe, la Bohême et la Moravie. Il y joua en 1815 pendant le Congrès de Vienne[20].
Le répertoire du mécanicien Josef Schütz, dont l’activité comme marionnettiste indépendant est attestée entre 1792 et 1827, comprend 23 pièces conçues chacune pour une soirée entière, et trois pièces en un acte. À Berlin, il donna des représentations sur une durée allant jusqu’à neuf mois et fut donc obligé de répéter les mêmes pièces. Seuls Die Wiener in Berlin [Les Viennois à Berlin], une farce chantée en un acte de Carl von Holtei, fut indubitablement jouée d’après un texte écrit, à partir de 1825[21]. Son répertoire nous est parvenu par plus de 200 affiches de théâtre venant de Breslau (Wrocław), Königsberg (Kaliningrad) , Bautzen et Brünn (Brno), ainsi que de nombreuses annonces dans des quotidiens berlinois[22].
Les informations transmises par les contemporains au sujet des manuscrits sont contradictoires.
Ludwig Tieck rencontra Schütz et Dreher pour la première fois en 1792 à Quedlinburg :
Die Herren Dreher und Schütz (diese waren die Dirigenten) erzählten mir, daß alle ihre Manuscripte alt seien, daß sie noch viele besäßen, die sie aber niemals darstellten, unter andern einen König Lear, der aber mit dem weltbekannten Gedichte kaum eine Aehnlichkeit habe. Ich wollte sie überreden, mir diese Gedichte zur Ansicht zu vertrauen, was sie aber standhaft verweigerten, so wie sie auch von dem Rath nichts wissen wollten, diese Sachen durch den Druck bekannt zu machen. Sie glaubten, daß sie sich ihre Aufführungen dadurch verderben möchten[23].
[Messieurs Dreher et Schütz (c’étaient les directeurs du théâtre) m’ont raconté que tous les manuscrits étaient anciens, qu’ils en possédaient un grand nombre qu’ils ne représentaient jamais, entre autres un Roi Lear, mais qui avait à peine une ressemblance avec le célèbre poème. J’ai voulu les convaincre de me laisser voir ces compositions, ce que cependant ils refusèrent catégoriquement, de même qu’ils ne voulaient pas entendre parler de faire connaître ces choses en les publiant. Ils croyaient que leurs représentations pourraient en souffrir.]
Voici ce que raconta le beau-frère de Goethe, Christian August Vulpius, en 1824 à Weimar :
Der soit disant Hr. Professor der Mechanik u. Physik Eberle war vor 8 Tagen bei mir. Er ist der Schwiegersohn des Hrn. Schütz der mit Dreher sonst mit Marionetten umher reiste, sagte mir aber sein Schwiegervater sey um einen ganzen Kasten voll alter Marionettenschauspiele auf immer gekommen. Es ist doch schlimm, daß man von diesen dramatischen Geburten nichts mehr wißen soll! So sind die Schauspiele: Ritter Partus, die schöne Magellone, Ahasverus, die Schöpfung, der Jüngste Tag dahin u. verloren, vielleicht ganz vernichtet, was wirklich zu beklagen ist[24]!
[Le soi-disant professeur de mécanique et de physique, monsieur Eberle, a été chez moi il y a huit jours. C’est le gendre de monsieur Schütz, qui normalement voyageait avec Dreher et leurs marionnettes, mais il m’a dit que son beau-père était venu s’installer pour de bon avec une caisse remplie de vieilles pièces pour marionnettes. Il est tout de même déplorable qu’on ne veuille plus rien savoir de ces productions dramatiques ! Ainsi, les pièces : Le chevalier Partus, La belle Maguelone[25], Ahasvérus, La Création[26], Le Jugement dernier, sont-elles perdues à jamais, peut-être complètement détruites, ce qui est véritablement déplorable !]
Pourtant, Karl Simrock écrit en 1846 dans l’avant-propos de sa reconstitution de Faust : « Bekanntlich lehnte Schütz alle Anfragen über das Manuscript seines Puppenspiels mit der Versicherung ab, daß es nur im Gedächtniss aufbewahrt würde[27]. » [« On sait que Schütz déclinait toute demande concernant le manuscrit de sa pièce pour marionnettes, assurant qu’il le conservait seulement dans sa mémoire. »]
Il faut donc supposer que Schütz possédait des manuscrits, mais jouait les pièces de mémoire. On n’a par ailleurs pas la preuve d’une représentation du Roi Lear mentionné par Tieck. Les titres cités par Vulpius dans ses lettres sont ceux qu’on ne trouvait presque plus sur les scènes au début du XIXe siècle, et qui n'avaient sans doute jamais été très répandus.
EBERLE
La famille Eberle était probablement originaire de Franconie et l’activité de ses membres comme marionnettistes est attestée depuis le milieu du 18e siècle. Le jeune Eberle avait d’abord joué avec le vieux Dreher et était donc également associé à Schütz, dont il épousa la fille. Il s’installa à son compte après la mort de Dreher et, plus tard, reprit aussi la scène de son beau-père, ou utilisa du moins ses matrices en bois gravé pour illustrer ses propres affiches de théâtre. Il vivait à Altenbourg et circulait surtout en Saxe et en Thuringe. Après la mort de Schütz, ses traces nous mènent, de plus en plus, dans le royaume de Prusse (entre autres en Silésie). Il est possible qu’il ait repris la concession de son beau-père en Prusse[28].
Le répertoire du marionnettiste Eberle comprenait en tout 29 pièces. Près de 220 affiches ont été conservées pour la période allant de 1830 à 1848, c’est-à-dire à l’époque où il avait déjà repris le théâtre de son beau-père[29]. Les 23 pièces en plusieurs actes de Schütz étaient toutes en sa possession, mais dans la plupart des cas, elles furent jouées sous d’autres titres et souvent avec d’autres noms pour les différents rôles. Eberle disposait assurément des 6 pièces restantes sous forme imprimée. Elles étaient parues en livre à partir de 1790[30].
Le bibliothécaire de Weimar Kräuter écrivit à propos d’Eberle en 1839 :
Derselbe besitzt fast keine seiner Stücke in Manuscript; er spielt, wie er mir versicherte, mehr als 40. Stücke alle aus dem Gedächtniß und bedauert, daß sein dießmaliger Aufenthalt ihm nicht die Muße gönnen werde, welche davon aufzuschreiben. Aus seinen ganzen Reden ging hervor, daß er zu wohlhabend ist, um auf einen kleinen Gewinn, der ihm aus dergleichen Niederschriften entspringen könnte, einen Werth zu legen, und ich weiß, noch aus Vulpius’sens Zeiten her, daß er mit der Feder nicht gewandt ist[31].
[Il ne possède presque aucune pièce sous forme manuscrite ; il m’a assuré qu’il joue plus de 40 pièces de mémoire et regrette que son séjour ne lui laisse pas le loisir d’en coucher quelques-unes par écrit. De tout ce qu’il disait, on pouvait déduire qu’il était trop riche pour accorder quelque valeur au petit bénéfice qui pourrait résulter de pareilles copies manuscrites, et je sais depuis l’époque de Vulpius qu’il ne manie pas habilement la plume.]
Le nombre de 40 pièces paraît exagéré, sauf si l’on compte également les pièces en un acte. Eberle possédait sans nul doute quelques manuscrits de pièces plus anciennes. Kräuter nous informe par ailleurs qu’il ne fit ces représentations qu’avec l’aide de son épouse[32], qui pourrait avoir apporté les pièces de son père dans le ménage.
Un manuscrit d’Eberle a été conservé et publié entre temps : Die Enthauptung der heiligen Dorothea [La Décollation de Sainte Dorothée], qu’Eberle annonça également sous les titres Das unterbrochene Opferfest oder: Die Zerstörung von Cassara. Schauspiel in drei Abtheilungen, von Schick oder Diocletiano oder das Braminen-Fest. Schauspiel in 3 Aufzügen[33] [Le Sacrifice interrompu ou La destruction de Cassara. Pièce en trois actes, de Schick, ou Diocletiano ou La fête des Bramines. Pièce en trois actes].
SCHWIEGERLING
Anton Schwiegerling fut pour un temps l’associé d’Eberle, à Wrocław en 1848. Eberle jouait probablement avec sa femme seulement. Le fils de Schwiegerling Theodor (1819-1888) se considérait comme le propriétaire du théâtre de Schütz et en avait peut-être hérité d'Eberle. Anton Schwiegerling était le fils d’un papetier des environs de Berlin. En 1806, il aurait eu un conflit avec des soldats français et aurait pris la fuite. Il intégra une troupe de funambules qui proposait aussi des feux d’artifice en été et des pièces pour marionnettes en hiver. On dit de lui, ainsi que de ses fils Hermann, Theodor et Fritz, puis de ses petits-enfants, qu’ils ne jouaient pas d’après des textes écrits[34]. Le Faust des Schwiegerling fut publié en 1882 d’après un sténogramme[35].
Les Schwiegerling avaient certes repris le théâtre, mais pas le répertoire des pièces qu'Eberle jouait en 1848. Bien qu’ils aient fait des tournées dans des villes comme Hambourg, Berlin, Prague, Wrocław et même Saint-Pétersbourg, on n’a pu attester que de 15 pièces jouées sur les différentes scènes gérées par la famille. Ici encore, il faut prendre en compte le répertoire complet. Cinq pièces seulement coïncident avec le répertoire d’Eberle et de Schütz[36]. Il s’agit des pièces génériques Don Juan, Faust, Genoveva [Geneviève de Brabant], Der verlorene Sohn [Le Fils prodigue] et Der verwirrte Hof [Confusion à la cour]. Les autres pièces datent en majorité d’une période plus récente et furent probablement toutes adaptées de livres imprimés. Cela est vrai, entre autres, de trois œuvres du célèbre dramaturge et prolifique auteur August von Kotzebue, et des pièces de Friedrich Hensler, de Sophie Seyler, d’Ernst Raupach, de Carl von Holtei, ainsi que de Kind et Weber avec leur opéra Der Freischütz[37].
On peut donc en conclure que les scènes où on jouait majoritairement de mémoire proposaient habituellement un répertoire de 15 à 30 pièces. Dans le cas d’Eberle toutefois, il faut partir du présupposé qu’il jouait au moins en partie avec le texte sous les yeux. Il faut en même temps ajouter qu’une évolution vers un programme plus moderne et plus littéraire se fait jour dès le milieu du 19e siècle, y compris dans les théâtres que nous avons cités.
SCHÜTZ VERSUS GEISSELBRECHT
On a souvent parlé en termes dépréciatifs du marionnettiste Geisselbrecht après sa mort en 1826, parce qu’il avait considérablement modernisé son répertoire à partir de 1801. Ludwig Tieck écrivit même en 1834, dans une nouvelle – sans le nommer –, en souvenir d’une rencontre remontant à l’année 1803 :
Hier aber war von jenem Poetischen, was mich damals so sehr erfreute, auch keine Spur mehr. Die Marionetten waren schlecht und spielten ungeschickt, der Text war ganz modern, aus Kotzebue und einigen beliebten Opern zusammengestoppelt, so daß mich weder Publikum noch Theater auf lange Zeit fesseln konnte. Große, wunderbare Verhältnisse, das Tolle, Phantastische und ganz Tragische paßt nur für diese Volksbühne[38].
[Mais chez lui, il n’y avait plus aucune trace de cet élément poétique qui m’avait tant réjoui. Les marionnettes étaient mauvaises et leur jeu gauche, le texte était entièrement moderne, un ramassis de Kotzebue et de quelques opéras en vogue, de sorte que ni le public, ni le théâtre ne pouvaient me captiver longtemps. Les grands événements merveilleux, la folie, le fantastique et le tragique ne conviennent qu’à la scène populaire.]
Il semble néanmoins que Tieck ne prenne pas véritablement en considération les représentations auxquelles il assista en 1803 à Meiningen, ou qu’il ne raconte de cette manière ce qu’il y vit que pour des raisons littéraires. Toujours est-il que Geisselbrecht éreinta lui-même Kotzebue en 1804, alors que celui-ci ne faisait pas encore partie de son répertoire. Cela ne changea qu’avec leur rencontre à Berlin en 1813, lorsqu’ils apprirent à s’apprécier l’un l’autre.
Alors qu’après sa mort, on a souvent reproché à Geisselbrecht son modernisme, l’auteur d’une recension écrivit en 1817 à propos de Schütz, son concurrent :
Dagegen hat der Marionettenspieler Schütz stets bei seinem Faust den Schauplatz voll; indessen könnte er unsere gebildeten Stände noch mehr ergötzen, wenn er, wie Geisselbrecht, auch neue Sachen dieser Gattung von Falck, Mahlmann, J. v. Voß u. s. w. gäbe, die hier außerordentlich gefallen haben[39].
[Le marionnettiste Schütz remplit les bancs avec son Faust ; toutefois, il pourrait ravir davantage nos classes instruites si, comme Geisselbrecht, il donnait également des choses nouvelles dans le genre de Falck [Falk], Mahlmann, Julius von Voß etc., qui ont rencontré un succès extraordinaire ici.]
Geisselbrecht était né en 1762 à Hanau (Hesse) dans une famille de cordonniers. Il est probable qu’il rejoignit une troupe de marionnettistes à l’âge de 20 ans, sur les routes du compagnonnage. Il épousa la fille du directeur de la troupe ou une assistante. Au cours de quelques décennies, il s’acquit une réputation légendaire. Des têtes couronnées comme le roi de Prusse, des savants comme Wilhelm von Humboldt et des poètes comme Johann Wolfgang von Goethe assistèrent à ses pièces[40].
Geisselbrecht joua à Nuremberg à l’hiver 1796-1797 pendant neuf semaines. Son répertoire comptait alors 23 pièces, attestées par 65 affiches de théâtre[41]. 18 de ces pièces se trouvaient également dans le répertoire de Schütz et d’Eberle (toutefois, le Don Juan de Geisselbrecht était joué dans la version de Cremeris, plutôt que dans celle de Dorimont qui était plus courante). Trois autres pièces étaient issues du répertoire de Joseph von Kurz-Bernardon (inédites), de Christlob Mylius et d’un opéra de Weiße et d’Hiller. Il s’agissait de ce fait d’un répertoire tout à fait ordinaire.
À Francfort-sur-le-Main, son amitié avec Clemens Brentano l’incita, à partir de 1800, à élargir considérablement son répertoire. La plupart de ses pièces furent mises à l’écrit à partir de 1804. Les pièces les plus désuètes furent écartées et sont aujourd’hui perdues. Brentano avait prévu d’écrire des pièces pour Geisselbrecht mais le projet n’aboutit pas et il lui conseilla les pièces du Vénitien Carlo Gozzi et du Viennois Philipp Hafner pour ses marionnettes. Pendant les années qui suivirent, Geisselbrecht établit un programme de pièces littéraires. Au début, il joua surtout des satires de la littérature ; puis pendant les guerres napoléoniennes, de la satire sociale en général. En plus d’une sélection de pièces imprimées, des pièces pour marionnettes écrites en coopération avec des hommes de lettres comme Johann Daniel Falk, Siegfried August Mahlmann, Julius von Voß et Carl Stein virent le jour. À la fin, le répertoire de Geisselbrecht comptait plus de 60 pièces. On a par ailleurs trouvé dans la bibliothèque de Geisselbrecht dix pièces manuscrites dont on ignore si elles ont été représentées.
De nombreuses pièces n’avaient qu’une valeur de circonstances et disparurent aussitôt qu’elles eurent rempli leur office. Geisselbrecht compulsait également les publications récentes et s’essayait à jouer telle ou telle pièce pour acteurs dans son théâtre. Quand une seule représentation est attestée, cela ne signifie pas pour autant que la pièce n’eut pas de succès. Toutefois, de nombreux sujets n’étaient appréciés que par le public des grandes villes.
La mise à l’écrit des textes commença en 1804, lorsque l’ami de Geisselbrecht, l’écrivain et satiriste Johann Daniel Falk, lui demanda quelques manuscrits. Le départ d’associé-es de longue date, qui s’installèrent à leur compte, ainsi que l’élargissement considérable de son programme rendirent indispensable une copie de toutes les pièces qui, à quelques exceptions près, ont été conservées dans leur intégralité. Il est probable que Geisselbrecht rédigeait ses pièces sous une forme abrégée. Ainsi, le déroulement de l’intrigue est-il rapporté, mais les détails du texte sont absents. Les improvisations de Hanswurst-Casperle, notamment, ne sont que suggérées.
Après la mort de Geisselbrecht, ses enfants abandonnèrent rapidement la scène. Ils vendirent les manuscrits en 1827 à Carl Friedrich, grand-duc de Saxe-Weimar-Eisenach. La collection de théâtre populaire des archives Goethe et Schiller de Weimar représente l’un des fonds de manuscrits les plus anciens du répertoire pour marionnettes en allemand[42].
COMPARAISON DU RÉPERTOIRE
Les pièces suivantes constituent le répertoire commun de Schütz, Eberle et Geisselbrecht :
Alzeste [Alceste]
Der Burggeist [Le Fantôme du château], également sous le titre : Kaiser Karl V. [L’Empereur Charles Quint]
Don Juan (dans une version plus moderne chez Geisselbrecht)
Fanny und Durmann [Fanny et Durmann]
Faust
Genovefa [Geneviève de Brabant]
Hamann und Esther [Hamann et Esther]
Hunrich und Heinrich [Hunrich et Heinrich]
Judith
Kunigunde (ou encore : Figilande/Lady Milford)
Mariane, der weibliche Straßenräuber [Mariane, la brigande]
Die Mordnacht von Äthiopien oder der hungrige Gast im leeren Wirtshause [La nuit des assassinats d’Éthiopie, ou l’Hôte affamé dans l’auberge vide]
Die schöne Müllerstochter [La jolie fille du meunier]
Torello
Trajanus und Domitianus oder der lächerliche Sternenseher [Trajan et Domitien ou l’astronome ridicule]
Der verwirrte Hof [Confusion à la cour]
Wagner
Le répertoire de Geisselbrecht ne comprenait ni Medée ni Dorothée ; celui de Schütz et d’Eberle n’avait pas les pièces de brigands pourtant si typiques, comme Der bairische Hiesel [surnom du brigand bavarois Matthias Klostermayr] et Schinderhannes [Johannes Bückler]. La pièce Mariane, der weibliche Straßenräuber est plutôt à comprendre comme une histoire d’émancipation.
Nous n’avons pas ici la place d’analyser toutes les pièces. Aussi ne présentera-t-on que trois pièces peu connues, qui se distinguent notamment par de grandes différences entre chaque théâtre, afin de mettre en relief les difficultés de l’étude de répertoires. Il s’agit vraisemblablement d’un trait caractéristique des pièces du 18e siècle. Celles du 17e siècle semblent être majoritairement entrées dans le canon.
Mariane, la Brigande
Cette pièce raconte l’histoire de deux sœurs très différentes, l’une obéissant sagement à son père, l’autre réclamant son indépendance. Quand leur père, le Grande Marcello, veut mettre sa fille Mariane dans un couvent, elle invite son amant, qui avait tué son frère en duel, à fuir avec elle. L’enlèvement est organisé par le comte Alfonso et son domestique Kasper, qui vole pour ce faire une échelle à un ramoneur. Le cousin Egidio, qui a la réputation d’un homme pieux, convainc le comte Alfonso in extremis d’abandonner son plan. Le comte se réconcilie avec le vieux Marcello, alors qu’Egidio, secrètement amoureux de Mariane, enlève la jeune femme. Lors de leur fuite, ils sont surpris par des brigands. Egidio tue leur chef et prend sa place à la tête de la bande. Bien que Mariane regrette son comportement, elle capture son père et sa sœur alors qu’ils traversent la forêt. Elle obtient le pardon de son père, qui ignore toutefois son identité. Puis elle rejoint le comte Alfonso et son domestique qui sont toujours à sa recherche. Mariane est vendue comme esclave, par Kasper, à Marcello qui la libère aussitôt. Tout est bien qui finit bien : Mariane épouse Alfonso. Même Kasper exige que la femme de chambre Charlotte le demande en mariage, car c’est désormais l’ordre des choses.
Cette pièce est intéressante pour l’inversion des rôles des hommes et des femmes. Mariane agit comme force motrice, tandis que les hommes sont animés par sa volonté à elle et leurs propres instincts. Elle a des remords à la fin de la pièce et retomberait pour un peu dans le rôle stéréotypé de la femme, mais il s’en faut justement de peu.
Alors que Schütz représenta cette pièce sous le titre Mariane, ou la brigande. Une histoire espagnole en trois actes, Eberle l’annonça sous le titre Ainsi se réalisa la malédiction du père, ou Mariana, chef de brigands en Calabre. Un spectacle historique véridique en trois actes. Chez Geisselbrecht, cette pièce portait le titre La tendresse du père de maison ou les sœurs dissemblables. Comédie en trois actes. La pièce n’est attestée que dans un seul manuscrit sans titre de Saxe, recopié en 1885 seulement[43].
À Francfort sur-le-Main, un marionnettiste donna vers 1800 une représentation des Brigands convertis. Comédie amusante en huit actes, pièce qui ne révèle son contenu que dans la description de Hanswurst : « Wobei Hanswurst sich durchaus lustig einfinden und vorstellen wird: 1. Einen lustigen Bedienten. 2. Einen übelbelohnten Leiterträger. 3. Einen kuriosen Liebesambassadeur. 4. Einen bezauberten Wandersmann. 5. Einen wohlfeilen Sklavenhändler[44]. » [« Hanswurst se montrera tout à fait amusant et interprètera : 1. un domestique prêtant à rire, 2. un porteur d’échelle mal récompensé, 3. un curieux ambassadeur d’amour, 4. un voyageur ensorcelé, 5. un piètre marchand d’esclaves »]. Le porteur d’échelle et le marchand d’esclaves permettent de rapporter la pièce à Mariane.
Hunrich et Heinrich
L’unique version disponible de cette pièce est celle de Geisselbrecht. Comme elle n’a pas encore été étudiée, nous ne sommes pas encore en mesure d’en donner ici une description complète. Vers 1750, le directeur de théâtre Kurz-Bernardon (1717-1784) l’annonça en ces termes :
Eine ganz neue, von dem Wienerischen Theatro entlehnte, aus einer gelehrten Feder geflossene, aller Orten mit ungemeinem Applausu approbrite, wegen ihres gelehrten Innhalts von andern distinguirte, mit Hanswursts Lustbarkeiten durchwebte, und von Anfang bis zum Ende mit galantem Scherz und Ernst abwechselnde / Haupt- und Staatsaction / betitelt: / Hunrich und Heinrich, / oder / das durchlauchtige Schäferpaar, / sonsten auch genannt: / Der grausame Tyrann, / und / der verstellte Narr aus Liebe, / mit / Hanswurst: / 1) einem klugen Hofnarrn, / 2) einem verschmizten Königlichen Requettenmeister. / 3) einem von Gespenstern erschreckten Favoriten. / 4) einem lustigen Narrenwächter. / 5) einem barmherzigen Scharfrichter. / 6) und leztliche einem beglückten Bräutigam seiner geliebten Traunschel[45].
[Une histoire toute nouvelle, empruntée au théâtre viennois, issue d’une plume savante, accueillie en tous lieux avec force applausu approbrite, se distinguant des autres par son contenu savant, jalonnée par les facéties de Hanswurst, et alternant la plaisanterie galante et le sérieux du début à la fin, portant le titre : / Hunrich et Heinrich, / ou / le couple princier de bergers, / appelée aussi : / Le tyran cruel, / et / la folie feinte par amour, / avec / Hanswurst : / 1) un astucieux fou du roi, / 2) un conseiller madré du roi, / 3) un favori effrayé par des fantômes, / 4) un plaisant gardien des fous, / 5) un bourreau miséricordieux, 6) et, pour finir, un heureux époux de sa bien-aimée Traunschel.]
À Munich, cette pièce fut annoncée par un montreur de marionnettes en 1784 :
La verita nell Ingano, d.i. Wahrheit in den Betrug. Od.: die verliebte Neigung zweer ungleicher Brüder. Dargestellt an dem unrechtmäßigen Kronen Räuber Hunrich, König der Hunnen, Gothen und Wenden. Mit Hannswurst einem Supplicanten, lächerlichen Hundsjung, unglücklichen Duellanten, und letztlich barmherzigen Scharfrichter[46].
[La verità nell’inganno, c’est-à-dire la vérité dans la tromperie, ou le penchant amoureux de deux frères dissemblables. Représenté d’après l’usurpateur illégitime de la couronne Hunrich, roi des Huns, des Goths et des Wendes. Avec Hanswurst dans le rôle du solliciteur, du jeune homme ridicule, du duelliste malheureux, et pour finir du bourreau miséricordieux.]
Schütz donna cette pièce sous le titre du Chevalier brigand, ou La fille de la campagne. Une pièce chevaleresque en trois actes. Geisselbrecht la joua sous le titre Bayjazzo précepteur, ou les frères dissemblables. Comédie en quatre actes, ou encore sous le titre Rosimunde, ou les enfants du roi déguisés en bergers. Comédie en quatre actes (Rosaura ou les enfants du roi enlevés. Comédie en trois actes). En 1807, elle fut donnée sous le titre La jalousie professionnelle, ou Les deux Fous. Une comédie satirique en 4 actes. Hanswurst-Casper y interprétait : « Erstens, einen komischen Fliegenwehrer. Zweytens, einen Jäger. Drittens, einen Liebes-Ambassadeur. Viertens, einen Kerkermeister. Fünftens, einen Hofmeister über einen Narren. Sechstens, einen Scharfrichter » [« premièrement un drôle de chasseur de mouches, deuxièmement un chasseur, troisièmement un ambassadeur de l’amour, quatrièmement un geôlier, cinquièmement le précepteur d’un fou du roi, et sixièmement un bourreau »]. Schütz donna de nouveaux noms à tous sauf aux deux personnages principaux, mais transforma le roi et son frère en chevaliers brigands.
Eberle fit à nouveau de Hunrich un roi, mais relocalisa l’intrigue en Lusace, non loin de la Silésie où il donnait ses représentations : « Ottomar, roi des Wendes. Une pièce de l’an 1452, en trois actes, par Ziegler. L’intrigue se déroule au château de Bautzen, ainsi que sur les chasses entre Forsten et Lieberose en Lusace ». Il la joua également sous le titre Ottomar le diable.
Casperle stellt vor: einen Bedienten, einen Hofmeister, einen Liebesambassadeur, einen herzhaften Scharfrichter. Verwandlungen des Theaters. 1ster Aufzug: Zimmer auf dem Schlosse zu Bautzen in der Ober-Lausitz, 2ter Auzug: Waldgegend, Jagd, wo verschiedenes Wildpret in seiner natürlichen Bewegung sich zeigen wird. Besonders wird ein weißer Hirsch erscheinen, welcher für Jagdliebhaber eine angenehme Unterhaltung sein wird. 3ter Aufzug: Saal in der königlichen Burg. Die Entdeckung und Brudermord.
[Casperle interprète : un domestique, un précepteur, un ambassadeur de l’amour, un bourreau hardi. Transformations du théâtre. Premier acte : une salle au château de Bautzen en Haute-Lusace, deuxième acte : forêt, chasse, où divers gibier se montrera dans son mouvement naturel. Un cerf blanc apparaîtra notamment, qui divertira particulièrement les amateurs de la chasse. Troisième acte : une salle dans le château royal. La découverte et le fratricide.]
La Haute-Lusace peuplée par les Sorabes devint dans la version d’Eberle le royaume des Wendes. Dans la seconde moitié du 19e siècle, la pièce n’est plus attestée.
Figilanda / Lady Milford / Kunigunde
Une pièce énigmatique a été jouée jusqu’au 20e siècle sur les scènes de marionnettes saxonnes. Elle se caractérise par un si grand nombre de versions que les rapports que celles-ci ont entre elles sont difficiles à identifier. Une belle et jeune veuve, riche et/ou puissante (Lady Milford, la reine Figilanda, la comtesse Kunigunde de Waldeck), tombe amoureuse d’un jeune et pauvre étranger (Don Fernando, fils du gouverneur de Madrid, le prince de Calcutta, le prince Fernando d’Espagne). Un confident de la veuve se fait passer pour un magicien ou pour le diable et arrange le mariage du couple. Un ou deux concurrents (deux lords, le secrétaire et futur maréchal, le maréchal Konrad) rendent le fiancé jaloux et il fait enfermer sa fiancée dans un cachot. Kasper-Hanswurst, amoureux de la femme de chambre Charlotte-Lottchen, passe entretemps de domestique à jardinier et doit jouer le rôle du geôlier. Il libère toutefois la fiancée et enferme le ou les calomniateurs à sa place. Le fiancé se ravise et la pièce se termine avec deux mariages.
L’origine de cette pièce est inconnue, tout comme l’ancienneté des différentes versions et les raisons pour lesquelles ces trois pièces ont pu évoluer si différemment. Il est possible que la version qui met en scène la reine Figilanda, celle que jouait Geisselbrecht, soit la plus ancienne, bien que le texte en soit corrompu et que les rôles du rival et du confident coïncident. Dans sa version manuscrite, cette pièce porte le titre Le maréchal de cour amoureux et la femme de chambre trompée. Farce en 3 actes, mais sur ses affiches de théâtre, elle s’appelle Le diable féminin. Une comédie avec de nombreuses arias très drôles, en 3 actes, ou Lequel a donc été trompé ? Ou l’un au-dessus de l’autre. Comédie en 3 actes.
En Saxe, la pièce fut représentée presque exclusivement sous le titre Duchesse Kunigunde de Waldeck, sous la forme d’une pièce de chevalerie, et on donna un certain Haubold pour auteur. Celui-ci est également mentionné en rapport avec d’autres pièces très anciennes, et fut peut-être l’auteur de différentes réécritures pendant la première moitié du 19e siècle ; il pourrait avoir vendu sa version de la pièce à différents théâtres. Les autres titres étaient : Kasper, un drôle de prétendant au mariage ; Kaspar gardien de tour ; Deux amants et une fiancée ; L’amant éconduit ; Amour dédaigné et Faux soupçon[47].
La version de Schütz et d’Eberle, qui faisait probablement aussi partie du répertoire du directeur de théâtre Lorgie (1765-1853), de Dresde, opère un changement total de cadre puisque l’intrigue est transférée dans l’Angleterre du 18e siècle, et la maison princière est remplacée par les terrains domaniaux de riches aristocrates. Le titre en est désormais Lady Milford, ou Le piège a été tendu pour toi, ou Le joueur ou Le piège. Le nom de Milford semble être emprunté à Cabale et Amour de Schiller, mais la pièce n’a par ailleurs aucun rapport avec cette œuvre. Sans l’unique manuscrit qui nous soit parvenu (Don Fernando ou Le joueur malheureux), issu des fonds d’Albert Apel, qui reprit le théâtre de Lorgie, cet intertexte n’aurait pas pu être établi[48].
Résumé
La recherche sur les répertoires ne peut pas se limiter aux listes de titres. On ne peut tirer aucune conclusion sans connaître le contenu de ces répertoires. Il faut étudier les manuscrits de pièces pour marionnettes et les affiches de théâtre, et les comparer avec les textes conservés.
Les catalogues complets de nombreux théâtres de marionnettes sont nécessaires pour établir un répertoire de la marionnette, qui puisse aussi apporter des informations sur le style marionnettique et ses fonctions sociales à chaque époque.
Jouer de mémoire mena au cours des décennies, et sur une durée de plus de deux siècles, à la constitution d’un répertoire relativement compact de 15 à 30 pièces par théâtre. Autour de 1800, le cœur du répertoire allemand pour marionnettes devait compter moins de 50 pièces.
À première vue, il peut sembler que jouer d’après un texte écrit ait évincé le vieux répertoire. Mais en réalité, c’est grâce à cette pratique que ce répertoire a été conservé et enrichi de nouvelles pièces. Les scènes où l’on continua à jouer de mémoire ont perdu un plus grand nombre de pièces anciennes, comme le montre l’exemple de la famille Schwiegerling. Bien que jouer à partir d’un texte écrit soit devenu la norme vers 1850, de nombreuses pièces des 17e et 18e siècles ne peuvent plus être reconstituées. C’est en particulier grâce au premier collectionneur de pièces pour marionnettes, le grand-duc de Saxe-Weimar-Eisenach Carl Friedrich (1786-1853), qu’au moins un exemplaire de pièces pour marionnettes comme Hunrich und Heinrich, Hamann und Esther ou Die Enthauptung der heiligen Dorothea a survécu.
Une analyse systématique des textes pour marionnettes disponibles, notamment ceux qui sont conservés dans la collection des sciences du théâtre de l’université de Cologne, donne l’espoir de retrouver au moins quelques pièces actuellement considérées comme perdues.
Contrairement à ce qu’affirme Hans Netzle, il faut présumer que les marionnettistes saxons ont conservé bien plus de matériau ancien que les marionnettistes d’Allemagne du Sud. Cela pourrait être dû à une mise à l’écrit précoce des textes, et surtout à l’étroite coopération d’un plus grand nombre de marionnettistes. Ainsi les chances de survie d’un manuscrit d'une pièce étaient-elles plus élevées.
En coopération avec l’Institut de philologie allemande de l’université Karl-Franzens à Graz, plusieurs publications proposant une sélection de manuscrits saxons de la collection de théâtre de marionnettes de Dresde verront le jour dans les prochaines années. Elles ont pour ambition d’ouvrir des nouvelles voies à la recherche.
ANNEXE : Le répertoire commun à Geisselbrecht, Schütz et Eberle
Alceste
Alzeste oder der höllenstürmende Herkules [Alceste ou Hercule prenant d’assaut l’enfer] raconte la mort d’Alceste qui s’est sacrifiée pour son mari Admète, roi de Thessalie. Hercule la fait revenir des Enfers (le royaume des morts), alors que son époux est déjà tombé amoureux de la bergère Dorinde. Hanswurst-Kasper renverse l’oracle de son piédestal et se paie la tête des prêtres. À la fin, la jalousie l’entraîne à révéler à Alceste qu’Admète a voulu la tromper avec Dorinde, dont il est lui-même amoureux. La pièce a disparu des scènes allemandes dans la seconde moitié du 19e siècle. Elle n’est conservée que dans la version de Geisselbrecht, qui fut recomposée en Knittelvers (mètre simple utilisé dans la poésie traditionnelle et populaire, dit aussi vers de Hans Sachs) vers 1811-1812 à Berlin, par un auteur inconnu (Gerlach ?), sans que l’intrigue en ait été modifiée. Cette version a été publiée en 1889 par Georg Ellinger d’après le manuscrit des archives Goethe et Schiller à Weimar. Ellinger suppose l’existence d’un modèle issu d’une opéra italienne d’Aurelio Aureli, « Antigona delusa d’Alceste ».
(Ellinger 1886, Oettermann 1994, p. 168-170, Rebehn 1989, p. 89)
Le Fantôme du château ou l’Empereur Charles Quint
Franz Horn est d’avis que la version de Schütz (Die Stiefmutter oder Der Burggeist [La belle-mère ou le fantôme du château-fort] ; chez Eberle, Der Burggeist, oder: Trauer mit dem Umschweif [Le fantôme du château-fort ou deuil avec ambages]) trouve ses origines au milieu du 18e siècle. Toutefois, quand on considère que la pièce fait référence à l’empereur Charles Quint, elle s’avère encore plus ancienne. La pièce a disparu du programme des théâtres dans la seconde moitié du 19e siècle, mais a été conservée dans les versions presque identiques de Geisselbrecht et Lorgie. Schütz omettait le premier acte tout entier lors de ses représentations, tandis qu’Eberle le jouait.
L’empereur du Saint Empire romain Charles Quint (chez Eberle, le duc Charles de Brabant) rend visite à son vassal, le roi Siegeslaus de Sicile (chez Geisselbrecht, Siegeslaus/Stanislaus de Bohême ; chez Eberle, le comte de Poltershausen), afin de demander en mariage sa fille Edwige (chez Geisselbrecht, Etwiege, la princesse Artimia ; chez Eberle, Kunigunde). Mais Siegeslaus veut tuer l’empereur afin de reconquérir son duché, la Toscane. Comme Hanswurst-Kasper se montre incapable de commettre ce meurtre, Siegeslaus veut prendre les choses en main. Edwige en avertit l’empereur qui confond Siegeslaus. Il demande la main d’Edwige et, avant de partir, déclare la guerre à Siegeslaus (chez Geisselbrecht, ils partent ensemble à la guerre contre des ennemis communs). Siegeslaus se prépare à la bataille. Il confie son épouse Kleokardia (chez Eberle : Hedwig) au beau-fils de cette dernière, le prince Volomandus (chez Eberle : son fils adoptif Hermann), mais celui-ci est secrètement amoureux de sa belle-mère. Le fantôme de son ancêtre Roderiko (chez Geisselbrecht : une furie infernale) apparaît à Volomandus et lui prédit la mort de Siegeslaus pendant la bataille, lui annonçant qu’il lui remettra sa tête coupée. Volomandus veut pousser Kleokordia au mariage, mais elle refuse. C’est pourquoi elle est enfermée dans le cachot. Le roi Siegeslaus, qui s’est réconcilié avec l’empereur, apparaît. Il avait voulu mettre Volomandus à l’épreuve. Le fantôme n’était qu’un chevalier déguisé et sa tête était faite de cire (chez Geisselbrecht, il s’agissait d’une tentation infernale). Kasper doit fusiller Volomandus dans la grande salle du château, mais la reine décharge le fusil, permettant à Volomandus de survivre et d’être gracié (chez Geisselbrecht, il est condamné à l’exil).
(Horn 1820, p. 53-54)
Don Juan
En Allemagne, la pièce n’était pas jouée d’après Molière ou Tirso de Molina, mais d’après la version de l’acteur Louis Dorimond (1628-1693) (Le Festin de pierre ou le Fils criminel, 1658), plus rarement d’après la version de Villiers, qui s’en inspire. Ce ne sont pas tellement les aventures amoureuses de Don Juan ni la remise en question de l’ordre divin qui sont au centre de la pièce, mais plutôt le meurtre épouvantable du commandeur, de son propre père, ainsi que d’un ermite (uniquement pour lui prendre son froc) et de l’un de ses poursuivants, alors que celui-ci est en prière. Geisselbrecht donnait cette pièce d’après une réécriture moderne de Benedict Cremeri parue en 1787.
(Cremeri 1787, Horn 1820, p. 52-53, Netzle 2005, p. 200-203, 211-238, Rebehn 1997, p. 74-99, Schröder 1912, p. 131-173)
Fanny et Durmann
L’histoire d’amour de la princesse anglaise Fanny et du prince écossais Durmann date probablement de l’époque des comédiens anglais, autour de 1600. La source de cette histoire, qui ressemble à celle de Roméo et Juliette n’a pas encore pu être identifiée avec certitude. Elle rappelle sous certains aspects Eine schöne lustige triumphirende Comoedia von eines Königes Sohn aus Engellandt und des Königes Tochter aus Schottlandt [La comédie belle, drôle et triomphale du fils d’un roi d’Angleterre et de la fille du roi d’Écosse] (1620).
Le roi d’Angleterre est invité au mariage de son ami le roi d’Espagne. Comme il est justement en guerre avec l’Écosse, il y envoie sa fille Fanny. L’amiral Arabasta reçoit l’ordre d’affréter un bateau. Fanny obtient l’autorisation d’être accompagnée par le fou du roi, Kasper. Au retour de l’Espagne, le bateau fait naufrage pendant une tempête. Fanny et Kasper sont les seuls survivants. L’ermite Saram les aide à sortir de la région déserte, mais Kasper exige d’abord que Fanny l’épouse. Elle fait semblant d’y consentir. À la cour anglaise, le roi veut d’abord faire pendre Kasper et seulement alors le marier à sa fille, sur quoi Kasper renonce au mariage. Le prince écossais Durmann (Tormann), tombé amoureux de Fanny lorsqu’ils étaient en Espagne, se rend à la cour d’Angleterre, mais le roi vient à l’apprendre et le condamne à mort. Lorsque Fanny tente de le sauver, on lui réserve le même sort. Le médecin du roi, Violino, est sommé de leur administrer un poison. Lorsque Kasper trouve leurs corps sans vie, il veut mourir lui aussi et court contre un mur la tête baissée. Le roi désespère lorsqu’il voit ce qu’il croit être des cadavres. Le médecin l’informe qu’il a échangé le poison contre un somnifère puissant. Le couple se réveille et fête ses noces. Les deux royaumes s’unissent, et Kasper épouse sa Lisette dans la foulée.
Faust
Cette célèbre pièce est née à la fin du 16e siècle en Angleterre, l’auteur de la première version est Christopher Marlowe. En Allemagne, les marionnettistes ont élaboré une intrigue parallèle, dans laquelle figure Hanswurst. Celui-ci finit par échapper à l’enfer. Cette pièce fut été jouée sur toutes les scènes traditionnelles pour marionnettes jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
(Horn 1820, p. 54-80, Simrock 1846)
Genovefa (Geneviève de Brabant)
Cette pièce a été publiée pour la première fois aux Pays-Bas en 1664 et est l’œuvre de l’écrivain Anton Frans Wouthers d’Amsterdam (1664 De heylige Genoveva, ofte herkende onnooselheyt [Sainte Genevière ou l’Innocence reconnue] et à partir de 1666 De stantvastige Genoveva, ofte herstelde onnooselheyt [La Constance de Geneviève, ou l’Ignorance établie]). Elle connut une vingtaine de rééditions en langue néerlandaise jusqu’à la fin du 18e siècle. Aucune traduction ou adaptation en allemand n’a été imprimée avant 1796. Il faut supposer que la pièce a circulé entre le théâtre d’acteurs et le théâtre de marionnettes sous forme de manuscrits élaborés à partir d’une ou plusieurs rares traductions. Ainsi le fils de Genovefa Benoni s’appelle-t-il Schmerzenreich [« Douloureux »] dans toutes les pièces pour marionnettes allemandes.
Le comte palatin Siegfried est obligé de partir en guerre et le précepteur à la cour Golo est chargé de s’occuper de son épouse, la comtesse palatine Genovefa. Depuis longtemps amoureux de celle-ci, Golo lui fait des avances qu’elle repousse. En dernière extrémité, Golo prépare un complot. Il envoie à Siegfried, qui se trouve encore à Strasbourg, de fausses preuves de la relation amoureuse entre Genovefa et son serviteur Trogan (Dragon). Trogan avait soutenu Genovefa dans ses œuvres de charité. À distance, Siegfried les condamne tous deux à mort. Trogan est empoisonné et Genovefa donne naissance à son fils Schmerzenreich dans son cachot. Kasper et un ami ont reçu l’ordre de tuer Genovefa et son enfant dans la forêt. Mais ils n’ont pas le cœur de le faire et tuent un chien à sa place, afin d’en apporter le cœur et la langue à Golo. Genovefa survit dans la forêt grâce à une biche qui lui donne du lait, pour elle et son enfant. Sept ans plus tard – Siegfried est rentré sain et sauf, une chasse a lieu dans la forêt. Siegfried rencontre Genovefa, qui lui révèle son identité. Golo se condamne lui-même à mort et est exécuté. Il y a deux variantes de la fin : le happy end, ou bien la mort de Genovefa dont le corps est exposé sur un lit de procession. Siegfried fait ériger une chapelle ou un couvent dans la forêt.
La pièce comptait parmi les plus grands succès de l’histoire du théâtre allemand et fut jouée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale par des théâtres de marionnettes en Saxe et en Bavière.
(Rebehn 1989, p. 85-86, Rebehn 1997, p. 46-73)
Aman et Esther
Le roi perse Assuérus répudie sa femme pour désobéissance et épouse Esther, la fille adoptive du Juif pauvre Mardochée. Comme les chambellans Bigtân et Téresh se sentent lésés de la récompense promise à qui trouverait une épouse pour le roi, ils veulent empoisonner Assuérus. Mardochée dévoile le complot et en est honoré. Le premier conseiller Aman, blessé dans son orgueil, veut faire assassiner tous les Juifs du royaume de Perse et s’approprier leurs biens. Suite à l’intercession d’Esther, qui dévoile qu’elle est juive, les Juifs sont épargnés. En revanche, Aman est tué, ainsi que toute sa famille. Il est pendu au gibet qu’il avait fait dresser pour Mardochée. Le cadavre et le gibet sont emportés par le diable. Hanswurst fait des facéties en tant que bouffon du roi, préposé au divertissement de table. Cette histoire tirée de la Bible était déjà jouée par les comédiens anglais autour de 1600. La pièce a disparu du programme des scènes pour marionnettes au milieu du 19e siècle et n’est conservée que dans la version de Geisselbrecht, ainsi que dans une version de Carl Engel, qu’on peut supposer relativement authentique.
(Engel 1877, Rebehn 1989, p. 92)
Hunrich et Heinrich
Voir le commentaire détaillé de l’intrigue dans le corps de l’article.
Judith
Le roi Nabuchodonosor envoie son général Holopherne et son armée à Béthulie pour prendre la ville. Le prince Osias (Achior ?), qui s’est rallié au camp des Juifs, est capturé et assassiné. Les Juifs sont désespérés, mais la veuve Judith veut les sauver et se rend dans le camp ennemi, accompagnée de sa servante Abra. Elle promet à Holopherne les clefs de la ville, sur quoi il célèbre sa victoire en ordonnant une grande fête. Lorsque tous les hommes sont ivres, Judith décapite Holopherne et tous les Assyriens s’enfuient. Le rôle de Kasper est extrêmement ambivalent. Kasper est engagé dans le camp des méchants et essaie seulement de survivre, se montrant à la fois courageux et apeuré. Il tue un Juif pour obtenir la prime promise et, à la fin, roue de coups tous les Juifs qui assaillent le camp. Mais il tombe aussi amoureux des belles Juives. Chez Geisselbrecht, nous trouvons également des scènes comiques avec la vivandière Gretel. On n’a pas pu identifier de manière certaine la source de cette pièce pour marionnettes. Il pourrait s’agir d’une pièce anglaise, d’un opéra ou bien d’une pièce du répertoire traditionnel des troupes itinérantes allemandes (Haupt- und Staatsaktion). La pièce a sûrement vu le jour au 17e siècle et a disparu de la scène au milieu du 19e siècle.
(Kollmann 1891, p. 18-20, 25-77)
Kunigunde (Figilande/Lady Milford)
Voir le commentaire détaillé de l’intrigue dans le corps de l’article.
Mariane, la femme bandit de grands chemins
Voir le commentaire détaillé de l’intrigue dans le corps de l’article.
La Nuit des assassinats d’Éthiopie ou l’Hôte affamé dans l’auberge vide
Le roi Lisomagus a emprisonné la belle Amolisa parce qu’elle refuse de l’épouser. Elle croit que le geôlier Alkontus est son père. Le prince Cleomenus pénètre dans la prison et tombe amoureux d’Amolisa. Comme il est le fils légitime de l’ancien roi Alkontus, il croit avoir retrouvé en elle sa sœur. Elle est pourtant la fille de Lisomagus, enlevée par son ennemi Alkontus. Le couple s’échappe de la prison. Kasper, qui prenait la prison pour une auberge, les suit. Le bateau qui devait leur permettre de fuir en Gaule est capturé par les corsaires, qui tuent la majorité des passagers à bord. Seuls Amolisa, Cleomenus et Kasper survivent. Ils sont amenés devant l’empereur d’Éthiopie, un musulman. Kasper est interrogé et doit être exécuté en tant que chrétien, mais est finalement gracié et nommé fou du roi. L’empereur convoite Amolisa qui, en dernière extrémité, le poignarde. Le fantôme de l’empereur excite la jalousie de Cleomenus, qui la poignarde à son tour et, après qu’elle est morte en lui révélant sa fidélité, se suicide. Kasper, menacé par le fantôme, est le seul survivant. La pièce n’était jouée autour de 1900 que sur très peu de scènes. La source de la pièce pourrait être issue du répertoire traditionnel de troupes itinérantes allemandes (Haupt- und Staatsaktion).
La Jolie Fille du meunier
La pièce fut écrite en 1623 sous le titre The Maid in the Mill par Beaumont et Fletcher (d’après de récentes recherches, par Fletcher et Rowley). Elle a subi de multiples modifications. Un prince (ou fils d’un comte) est tombé amoureux de Pauline, la fille du meunier du roi. Ses parents, désirant un mariage plus conforme à son rang, lui interdisent de la fréquenter. Le prince veut fuir avec sa bien-aimée, mais ils sont tous deux capturés et emprisonnés. Ils réussissent à s’échapper, et le meunier déclare que Pauline n’est que sa fille adoptive et qu’elle a du sang noble (elle est princesse de Pologne, ou encore la fille d’un comte), de sorte que plus rien ne s’oppose aux noces. Kasper reprend le moulin et épouse la servante. Des scènes comiques ont notamment lieu dans la forêt, lorsque Kasper cache Pauline dans un sac et prétend qu’il s’agit de livres, lorsqu’il épie les chasseurs corrompus et les force à lui obéir, et surtout lorsqu’il tente d’organiser la garde du prince et de Pauline en prison, mais qu’il échoue à cause des deux gardiens, particulièrement stupides.
(Netzle 2005, p. 169-177, Netzle 1944, p. 151-182)
Torello
L’intrigue est empruntée au Décaméron de Boccace et doit avoir été adaptée au théâtre dès avant 1600, car elle apparaît dans les fiches de l’avocat nurembergeois Ayrer. La pièce a vu le jour sous l’influence des comédiens anglais, mais ne fut jamais jouée. Une première représentation sur la scène d’un théâtre de marionnettes est attestée à Prague en 1717. La pièce est restée au programme des théâtres de marionnettes saxons jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, mais était souvent destinée aux enfants (Kasper in der Türkei [Kasper en Turquie]). Il en existe deux versions, dont la plus ancienne commence en Turquie. Le sultan veut faire exécuter des prisonniers de guerre chrétiens, parmi lesquels se trouvent Torello et son serviteur Kasper. Ils ignorent chacun que l’autre a survécu. Interrogé sur sa confession religieuse, Kasper échappe à la mort parce qu’il passe pour fou. Au cours de l’interrogatoire, Torello est identifié comme le chrétien qui, autrefois, avait sauvé la vie du sultan. Comme l’épouse de Torello Rosadea (chez Geisselbrecht : Adjuletta) est sur le point de se marier à nouveau, on renvoie Torello à Pavie sur le champ, grâce au pouvoir de la magie. Une intrigue parallèle nous montre Jockerle (chez Geisselbrecht : Hannikerl), le fils idiot de Kasper, arrivant au château. Il y est envoyé pour voir ce que devient son papa. Mais en réalité, sa mère veut se débarrasser de lui afin de se remarier. Kasper et Jockerle rossent son fiancé, tandis que Torello et son épouse fêtent leurs retrouvailles. On pardonne au comte Zithonio/Zidonis, qui voulait obliger Rosadea à l’épouser. Dans certaines variantes qui commençent à Pavie avant la guerre, Zithonio devient un personnage semblable au comte Golo de Genovefa. Dans une autre version, généralement jouée sous le titre Fürst Alexander [Le prince Alexandre], le personnage du chevalier Albrecht s’inspire clairement de celui de Golo. À la fin, le chevalier Albrecht se suicide, est condamné à mort ou envoyé en exil. La princesse ne peut toutefois pas vivre avec la honte d’une bigamie presque consommée et veut se venger du sultan. Elle ordonne à Kasper de se procurer du poison chez le pharmacien de la cour. Le vizir prend connaissance du complot et croit que le prince est au courant. Il fait échanger les verres. Le prince Alexandre, qui ne savait rien du complot, boit et meurt. Pour punir la princesse, le sultan l’emmène en Turquie.
(Ayrer 1865, Netzle 2005, p. 181-186, Scherl 1999, p. 57-58, 203)
Trajan et Domitien, ou l’Astronome ridicule
En l’état actuel de la recherche, cette pièce doit être considérée comme perdue. On ne dispose que de fragments de la version de Geisselbrecht, mais d’après les affiches, elle prend beaucoup de libertés avec l’histoire car elle fait apparaître des furies infernales. En 1743, une troupe de comédiens a joué, à Francfort-sur-le-Main, Der großmüthige, alle Vergnügung der Liebe verachtende römisch Kayser TRAJANUS, oder: Die interessirte Wahrsagerin, und Hanß Wurst der lustige Sternseher [L’empereur romain TRAJAN, qui fut magnanime et méprisait tous les plaisirs amoureux, ou : la Voyante intéressée et Hans Wurst l’astronome ridicule]. Cette pièce pourrait être issue de Tragoedia genandt Der Großmüthige Rechts Gelehrte Amilius Paulus Papinianus oder Der Kluge Phantast und wahrhaffte Calender-Macher [Tragédie appelée Le jurisconsulte magnanime Amilius Paulus Papinianus ou l’Excentrique bien avisé et véritable faiseur de calendriers] d’Andreas Gryphius (1659).
(Mentzel, p. 466, FLEMING 1931, p. 138-201)
Confusion à la cour
Le fond de la pièce vient de la pièce espagnole El palacio confuso de Lope de Vega. Elle fut traduite pour la première fois en allemand par Georg Greiflinger en 1652, et publiée en livre. La principale différence entre notre pièce et l’original est que la figure du Doppelgänger n’est pas le frère du souverain, mais Hanswurst-Kasper ensorcelé. Bien que cette pièce soit encore jouée dans le nord de l’Allemagne à la fin du 19e siècle, elle n’a été conservée que dans la version de Geisselbrecht, ainsi que dans quelques versions très corrompues d’Allemagne du Sud. Tandis que la plupart des écrivains pour marionnettes choisissent pour cadre la cour fictive de Belvédère, Geisselbrecht fait évoluer ses personnages dans le royaume d’Eldorado. Lorsque le prince de Belvédère part pour un long voyage, il ordonne à son fou Kasper d’ouvrir l’œil. Mais celui-ci est soit banni, soit condamné à mort par des conseillers corrompus, et réussit à s’échapper. Alors qu’il a quitté le pays, un magicien l’ensorcelle. À Belvédère, on le prend pour le prince. Ainsi, Kasper punit les conseillers et les ministres corrompus. Lorsque le vrai prince revient de son voyage plus tôt que prévu, une immense confusion s’ensuit, avant que tout ne finisse pas s’expliquer.
(Netzle 2005, p. 162-168)
Wagner
Cette pièce apporte un pendant à celle du Docteur Faust : elle raconte l’histoire de son ancien famulus Wagner et a vraisemblablement été composée dans la première moitié du 18e siècle. Wagner finit par être emporté en enfer par son serviteur, le diable Auerhahn. Hanswurst-Kasper lui succède alors. Aucune représentation n’est plus attestée après 1850. En 1876, le collectionneur de pièces pour marionnettes Carl Engel publie un fragment, dont il fera paraître une version complétée en 1890. Comme Engel a souvent apporté de nombreuses modifications à ses textes, l’authenticité de celui-ci est difficile à déterminer. Il ne présente aucun point commun avec les affiches qui nous sont parvenues.
(Engel 1876, Rebehn 2018, p. 131-137)
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Toutes les sources numériques ont été consultées le 6 octobre 2020.
© Lars Rebehn, Bürgerstraße 51, 01127 Dresden
Traduit de l’allemand par Jean Boutan et Manuela Mohr.
[1] Les représentations étaient parfois en latin. Les pièces protestantes se caractérisent souvent pas une immense liste de personnages – dans la mesure du possible, tous les élèves de l'école devaient être présents sur scène ; dans le cas des jésuites, c’étaient avant tout les effets scéniques considérables que les troupes itinérantes ne pouvaient se permettre. S’y ajoutent souvent la faiblesse dramaturgique des pièces.
[2] Les très riches collections d’affiches de la Bibliothèque municipale de Hambourg, souvent mentionnées depuis leur utilisation par Schütze (Johann Friedrich Schütze, Hamburgische Theatergeschichte, Hamburg, 1794), ont été détruites pendant les attaques aériennes de 1943 sans avoir jamais été étudiées de manière systématique. Voir Rebehn, Lars, « Introduction », p. 10-21, notamment p. 16-21, et « Archéologie de l'après-guerre. La collection d’affiches de Friedrich Ludwig Schröder, » p. 22-25, dans: Rudin/Flechsig/Rebehn 2004. Sur les affiches en général, voir Bernstengel/Rebehn 2007, p. 16, 32-33. Hänsel 1962.
[3] La plupart de ces textes ont été conservés dans des bibliothèques de Vienne, bien qu’ils fussent originaires du nord protestant de l’Allemagne (voir Asper 1975). De riches collections de pièces manuscrites pour marionnettes se trouvent dans la collection du théâtre de marionnettes de Dresde (Puppentheatersammlung Dresden), dans la collection des arts du spectacle de l'université de Cologne (Theaterwissenschaftliche Sammlung der Universität zu Köln), dans le musée de la ville de Munich (section théâtre de marionnettes / arts de la scène) (Stadtmuseum München, Abteilung Puppentheatersammlung / Schaustellerei) et à la bibliothèque nationale de Berlin (Staatsbibliothek zu Berlin).
[4] « Der Marionettenmann erzählte mir, daß er seine Stüke meist aus andern abgeschrieben, mehrere aber nach Lesebüchern selbst bearbeitet habe » [« Le marionnettiste me raconta qu'il avait recopié ses pièces à partir de livres, mais qu'il en avait adapté certaines lui-même »] (Justinus Kerner à Ludwig Uhland, Hambourg, 23 août 1809, cité dans Rebehn 1989, p. 89).
[5] Der Bayerische Hiesel. Schauspiel in 4 Akten.[une pièce en 4 actes], dans Sammlung von Theaterstücken zur Aufführung auf Figurentheater [Collection de pièces de théâtre pour la répresentation au théâtre des figures], cahier 1. Berlin, Trowitzsch & Sohn. s.d., p. 3-29. Dans les versions du nord et du sud de l'Allemagne, les noms des bandits varient. Dans le nord, le plus jeune s'appelle souvent Anderle, dans le sud Studerl.
[6] Kaiser, Friedrich, Der bairische Hiesel. Volksstück mit Gesang und Tableaux in 3 Abtheilungen und 7 Bildern nach einer Erzählung von Hermann Schmid frei bearbeitet. Musik vom Kapellmeister Franz Roth [Pièce populaire avec chants et tableaux en trois actes et sept illustrations, librement adapté d'après un récit de Hermann Schmid. Musique du chef d’orchestre Franz Roth]. Vienne, Wallishausser, 1868 (Répertoire de théâtre viennois, 196). Les marionnettistes saxons modifiaient parfois de nouveau les noms des chasseurs, en s’inspirant de leurs propres traditions.
[7] Le pont, la passerelle ou la planche désignent l’emplacement derrière la scène, d’où on dirigeait les marionnettes et d’où, en règle générale, on disait également le texte. Au 18e siècle, les marionnettistes allemands possédaient encore des marionnettes avec des tiges en métal, soit attachées à un œillet sur la tête ou le cou, soit plantées dans le torse. Par l’introduction du système à fils à partir de 1790, la scène put être agrandie. La taille des marionnettes du sol jusqu’à la croix de contrôle dépassait souvent les deux mètres. Les marionnettistes se trouvaient alors sur une planche surélevée, qu’ils atteignaient par une échelle. Voir aussi Bernstengel/Rebehn 2007, p. 17.
[8] Dombrowsky 2007, p. 25.
[9] La collection de théâtre pour marionnettes à Dresde n’en a conservé que quatre preuves, sur plus de 3000 manuscrits. MS-0970, MS-1248, D4-630, D4-696.
[10] Sur les pratiques de jeu habituelles et l'organisation des scènes pour marionnettes, voir Rebehn 2006, p. 33-43. Bernstengel/Rebehn 2007, p. 14-32. Rebehn, Lars, « Marionettentheater in Sachsen », dans Dombrowsky 2007, p. 189-200, notamment p. 191-193.
[11] Rebehn 2020, passim.
[12] Taube 1989, p. 119-120.
[13] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 95.
[14] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 104.
[15] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 101. La traduction ne se réfère pas au passage d’une langue à l’autre, mais décrit le processus d’adaptation pour la scène des marionnettes.
[16] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 104.
[17] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 104.
[18] La plupart de ses manuscrits sont conservés à la bibliothèque nationale de Berlin (Degering 1926, p. 228, 256-290, et Degering 1932, p. 386) ; certains se trouvent à Dresde, Munich et Cologne (Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 110).
[19] Autour de 1800, des marionnettistes tels que Schütz et Geisselbrecht se désignaient sous le nom de « mécaniciens » (Mechanikus), afin de mettre en avant la perfection technique de leurs figures.
[20] Rudin/Flechsig/Rebehn 2004, p. 114-115, 368, 373. Fehr 1949, p. 97, 153-154. Purschke 1984, p. 101-105, 127.
[21] Holtei, Carl von, Die Wiener in Berlin. Liederposse in einem Akte [Les Viennois à Berlin. Farce chantée en un acte]. Dans Jahrbuch deutscher Bühnenspiele [Almanach de pièces de théâtre allemandes]. Éd. Carl von Holtei. Quatrième année, 1825. Berlin, Vereinsbuchhandlung, 1825, p. 221-270. La pièce fut représentée de nombreuses fois à partir de 1824, notamment à Berlin.
[22] Collection de théâtre de marionnettes Dresde, collection d'affiches (https://skd-online-collection.skd.museum/Home/Index?page=1&pId=12779828). Académie des arts, Berlin, collection d'affiches de Königsberg/Prusse orientale (https://archiv.adk.de/BildsucheFrames?easydb=qq3vbsjnkidbfmjp66fhbh6oq2&ls=2&ts=1601916022). Musée de Bautzen. Bibliothèque universitaire de Brno (Bartoš 1963, p. 112-113). Berlinische Nachrichten Von Staats- und gelehrten Sachen [Nouvelles berlinoises sur les affaires d’État et les choses savantes] (Spenersche Zeitung), années 1803-1827. Königliche privilegirte Berlinische Zeitung von Staats- und gelehrten Sachen [Journal berlinois des affaires d’État et des choses savantes, avec privilège royal] (Vossische Zeitung), années 1803-1827.
[23] Tieck 1834, p. 204.
[24] Vulpius à un libraire berlinois, Weimar, 6 juillet 1824 (lettre de la collection Rebehn, Dresde, inédite à ce jour).
[25] Oettermann 1993, p. 167 (00332).
[26] La pièce racontant la création du monde et des premiers êtres humains Adam et Ève a été élaborée d’après un opéra.
[27] Simrock 1846, p. VII.
[28] Fehr 1949, p. 97, 99. Purschke 1984, p. 106-107.
[29] Collection de théâtre de marionnettes Dresde, affiches Eberle. Bibliothèque de la duchesse Anna-Amalia, collection Stumme de Faust (copies dans les archives de la collection de théâtre de marionnettes de Dresde, dossier Eberle).
[30] Hafner, Philipp, Der von dreyen Schwiegersöhnen geplagte Odoardo, oder Hannswurst und Crispin, die lächerlichen Schwestern von Prag, ein Lustspiel von zweyen Abhandlungen [Odoardo tourmenté par ses trois beaux-fils, ou Hannswurst et Crispin, les sœurs ridicules de Prague, une comédie en deux actes], s.l.n.d. [Vienne, Kurzböck ? 1762 ?] et Perinet, Joachim, Die Schwestern von Prag. Als Singspiel in zwey Aufzügen, nach dem Lustspiele des Weyland Herrn Hafner, für dieses [Leopoldstädter] Theater neu bearbeitet. Die Musik ist vom Herrn Wenzel Müller [Les sœurs de Prague. Une opérette en deux actes, d'après la comédie de feu Monsieur Hafner, retravaillée pour ce théâtre [de Leopoldstadt]. La musique est de Monsieur Wenzel Müller]. Vienne, Mathias Andreas Schmidt, 1794. Kotzebue, August von, Der Eremit auf Formentera. Ein Schauspiel mit Gesang in zwey Aufzügen [L'ermite de Formentera. Une pièce chantée en deux actes], dans Deutsche Schaubühne [Scène allemande], 2e année (1790), vol. 7, p. 1-76. Neumann, Johann C., Kunz von Kauffungen, oder Der Sächsische Prinzenraub. Ein historisches Schauspiel in fünf Aufzügen [Kunz von Kauffungen ou l'enlèvement du prince de Saxe. Une pièce historique en cinq actes], 2e année (1790), vol. 3, p. 361-442. Mahlmann, Siegfried August, Herodes vor Bethlehem, oder der triumphirende Viertelsmeister. Ein Schau-Trauer- und Thränenspiel in drey Aufzügen. Als Pendant zu den vielbeweinten Hussiten vor Naumburg [Hérode devant Bethléem, ou le maître triomphant. Une pièce de deuil et de larmes en trois actes. Un pendant aux très regrettés Hussites devant Naumburg], s.l.n.d. [Leipzig, 1803]. Ernst, Carl, Die Mühle bei Auerstädt, oder die unverhofte Erbschaft. Ein Schauspiel in vier Aufzügen nach einer wahren Geschichte aus den unseligen Tagen des Octobers 1806 [Le moulin d’Auerstädt, ou l'héritage inattendu. Une pièce en quatre actes, d’après la véridique histoire des terribles journées d'octobre 1806], Bâle, Flick, 1810 (paru aussi dans Neueste deutsche Schauspiele [Les dernières pièces allemandes], vol. 3 ; Augsbourg, Bolling, 1810). Kind, Friedrich, Arien und Gesänge der romantischen Oper Der Freischütz. In drei Abtheilungen. Musik von C. M. v. Weber [Arias et chants de l'opéra romantique Der Freischütz. En trois actes, Musique de C. M. v. Weber]. Berlin, 1821. (https://www.projekt-gutenberg.org/kind/freistz/freistz.html).
[31] Musée Goethe de Düsseldorf, legs de Kräuter, KK 3837.
[32] Musée Goethe de Düsseldorf, legs de Kräuter, KK 3823.
[33] Neuhuber 2014, p. 164-165, 170-181. L'auteur n'est toutefois pas capable de situer le texte dans la biographie d’Eberle.
[34] Purschke 1984, p. 112-117. Rebehn 2015, p. 74-77.
[35] Bielschowsky 1882, p. 2.
[36] La liste des personnages et la division en actes ne révèlent toutefois pas de coïncidence avec les pièces de Schütz et d'Eberle. Cela contredit les propos de Schwiegerling (Fritz ou Theodor ?) selon lesquels le père de celui-ci avait appris le texte de Faust de son propre beau-père Kleinschneck, et que celui-ci l'avait appris de Dreher (voir Bielschowsky 1882, p. 2). Collection de théâtre de marionnettes de Dresde, affiches Schwiegerling. Hamburger Nachrichten [Nouvelles de Hambourg], 9 février – 8 avril 1854.
[37] Seyler, Friederike Sophie, Hüon und Amande, ein Romantisches Singspiel in Fünf Aufzügen nach Wielands Oberon [Huon et Amande, opérette romantique en cinq actes d'après l'Obéron de Wieland], Flensbourg, Schleswig, Leipzig, Kortensche Buchhandlung, 1789. Hensler, Karl Friedrich, Die Teufelsmühle am Wienerberg. Ein österreichisches Volksmärchen mit Gesang in vier Aufzügen, nach einer Sage der Vorzeit von Herrn Leopold Huber. Für die k. k. priv. Marinellische Schaubühne bearbeitet. Die Musik ist von Herrn Wenzel Müller, Kapellmeister [Le Moulin diabolique du Wienerberg. Conte populaire autrichien avec chant en quatre actes, d'après une légende des temps anciens par monsieur Leopold Huber. Retravaillé pour la scène privée impériale et royale de Marinelli. La musique est de monsieur Wenzel Müller, maître de chapelle]. Vienne, Mathias Andreas Schmidt, 1799. Kotzebue, August von, Die Prinzessin von Cacambo. Eine komische Oper in zwei Acten [La Princesse de Cacambo, opéra comique en deux actes]. Dans Opern-Almanach für das Jahr 1815 [Almanach des opéras pour l'année 1815], Leipzig, Kummer, 1815, p. 1-59. Kotzebue, August von, Pervonte oder die Wünsche. Eine komische Oper in drei Acten (Nach einem bekannten Mährchen von Wieland.) [Pervonte ou les souhaits. Comédie en trois actes (d'après un conte célèbre de Wieland)]. Dans Opern-Almanach für das Jahr 1815, Leipzig, Kummer, 1815, p. 61-128. Kotzebue, August von, Wer weiß wozu das gut ist. Ein Schwank in Einem Akt [Qui sait à quoi ça sert. Farce en un acte]. Dans Almanach Dramatischer Spiele zur geselligen Unterhaltung auf dem Lande [Almanach de pièces dramatiques pour la distraction conviviale à la campagne]. Treizième année. Leipzig, Hartmann, 1815, p. 287-336. Kind, Friedrich, Arien und Gesänge der romantischen Oper Der Freischütz. In drei Abtheilungen. Musik von C. M. v. Weber [Arias et chants de l'opéra romantique Der Freischütz. En trois actes, Musique de C. M. v. Weber]. Berlin, 1821. Holtei, Carl von, Die Wiener in Berlin. Liederposse in einem Akte [Les Viennois à Berlin. Farce chantée en un acte]. Dans Jahrbuch deutscher Bühnenspiele [Almanach de pièces de théâtre allemandes]. Éd. Carl von Holtei. 4e année, 1825. Berlin, Vereinsbuchhandlung, 1825, p. 221-270. Raupach, Ernst, Der Platzregen als Eheprocurator. Eine dramatisirte Anekdote in zwei Aufzügen [L'averse comme procurateur de mariage. Anecdote dramatisée en deux actes]. Dans Lebrün, Carl August (éd.), Almanach Dramatischer Spiele zur geselligen Unterhaltung auf dem Lande [für das Jahr 1830] [Almanach de pièces dramatiques pour la distraction conviviale à la campagne [pour l'année 1830]], vol. 28. Hambourg, Hoffmann & Campe, 1830, p. 3-54. Les pièces portant le titre César, le terrible brigand des Apennins, ou L'incendie du monastère. En trois actes de C. F. Heinemann, ainsi que La Diffamation, ou Kasperle comme recrue. Comédie en trois actes n’ont pas pu être clairement identifiées.
[38] Tieck 1834, p. 205.
[39]Zeitung für die elegante Welt [Journal du monde élégant], n° 244, 13 décembre 1817. Colonnes 1967-1968 : Correspondances et notes.
[40] Purschke 1984, p. 96-100, 126-127. Rebehn 2013.
[41] Purschke 1981, p. 244-247.
[42] Pour la biographie détaillée de Geisselbrecht, on consultera Rebehn 2013.
[43] Collection de théâtre de marionnettes de Dresde, MS-0998 : Mariane oder Der weibliche Straßenräuber. Schauspiel in 3 Akten, Schreiber: « Reinhold Vogel acheva cette pièce. Grottendorf 14 oct. 1885 ». Propriétaire : Reinhold Vogel (?), Veuve Concordia Rau, Louis Wolf, Arthur Ganzauge (?).
[44] Purschke 1980, p. 106-107.
[45] Asper 1970, p. 87.
[46] Vierlinger 1943, p. 65.
[47] Moser/Rebehn/Scholz 2006, p. 226-227.
[48] Collection de théâtre de marionnettes de Dresde, D4-174 : « Don Fernando oder Der Unglücklige Spieler » [« Don Fernando ou le Joueur malheureux »], rédacteur inconnu, propriétaire : Albert Apel.