Portrait du marionnettiste en auteur. Les pratiques d’écriture pour marionnettes en Europe de l’Ouest (17e-21e siècles)
2e colloque international PuppetPlays
Université Paul-Valéry Montpellier 3
23-25 mai 2023
TÉLÉCHARGER L'APPEL À COMMUNICATIONS
Après L’Écriture littéraire pour marionnettes en Europe de l’Ouest (17e- 21e siècles) (Montpellier, 14-16 octobre 2021) dont la publication des actes est actuellement en cours de réalisation, le programme de recherche ERC PuppetPlays lance aujourd’hui l’appel à communications de son second colloque international, Portrait du marionnettiste en auteur dramatique (17e - 21e siècles), qui se tiendra à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 du 23 au 25 mai 2023.
Le programme ERC PuppetPlays
PuppetPlays – Reappraising Western European Repertoires for Puppet and Marionette Theatres (ERC GA 835193) est un projet de recherche financé par l’Union Européenne dans le cadre du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 et dirigé par Didier Plassard, professeur en études théâtrales à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3.
Les principaux objectifs de PuppetPlays sont de :
- rassembler un corpus représentatif de pièces pour marionnettes d’Europe de l’Ouest (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Suisse), du 17e au 21e siècle ;
- identifier les caractéristiques d’une écriture théâtrale pour marionnettes et leurs variations selon les époques, les aires culturelles, les conditions de production et les publics visés ;
- mettre en lumière l’apport de ces répertoires à la construction d’une identité culturelle européenne.
Les principales réalisations du programme sont une monographie conclusive, deux thèses de doctorat, les actes de deux colloques internationaux, des articles scientifiques et une plateforme numérique comportant une base de données (2000 références) et une anthologie en ligne de 300 textes inédits. Cette plateforme, actuellement en construction, est dès à présent accessible à l’adresse : https://puppetplays.eu
Présentation du colloque
Pour le théâtre de marionnettes comme pour tant de spectacles longtemps considérés comme « mineurs », l’histoire du texte théâtral n’est pas celle de la littérature dramatique. C’est une histoire de pratiques scéniques qui se sont développées à l’écart des institutions et des cercles de reconnaissance, dans une très grande variété de contextes sociaux et culturels, selon des logiques de répertoires très différentes aussi.
Les œuvres jouées dans ces contextes, quels que soient leurs modes d’élaboration et de transmission, trouvent difficilement leur place dans le grand récit que constitue l’historiographie du théâtre occidental, telle du moins qu’on l’établit à partir des catégories de l’histoire littéraire. Si la contribution – rêvée ou effective – de certains écrivains à la dramaturgie des marionnettes peut s’examiner à la lumière des esthétiques baroques, romantiques, symbolistes, modernistes ou post-dramatiques, c’est rarement le cas des œuvres produites par les marionnettistes eux-mêmes, auxquelles ce deuxième colloque international du projet PuppetPlays entend exclusivement se consacrer. Textes traditionnels, adaptations et variations, créations collectives, écritures « de plateau » : d’autres logiques sont à l’œuvre dans leur production, d’autres instruments d’analyse sont à inventer dès lors qu’on entreprend de les examiner avec attention.
Pour rendre compte de ces logiques, pour mettre au point ces instruments d’analyse, plusieurs déplacements méthodologiques doivent être préalablement effectués.
Le premier de ces déplacements concerne la figure de l’auteur. Parce qu’il ne fait pas métier de l’écriture, le marionnettiste qui compose lui-même les textes qu’il va jouer se tient à l’écart des protocoles qui définissent la « fonction auteur » telle que la décrivait Michel Foucault (« Qu’est-ce qu’un auteur ? », 1969) : les dimensions juridiques et institutionnelles de cette fonction, sa construction moderne, le contrat ainsi institué avec le lecteur ou le spectateur, son mode de présence dans le texte – toutes ces catégories se révèlent peu pertinentes dans le domaine du théâtre de marionnettes. Le fait que les textes soient rarement publiés (ou qu’ils le soient à titre de « documents », non de « monuments », pour reprendre la distinction formulée par Jacques Le Goff) a longtemps empêché l’artiste d’accéder à la pleine reconnaissance d’un statut d’auteur. Mais la différence n’est pas seulement symbolique, et s’employer à élargir le champ d’application de ce statut pour y inclure des marionnettistes serait manquer l’essentiel. L’écriture pour marionnettes, en effet, ne se définit pas toujours comme une création originale : elle peut aussi se constituer par reprises, dérivations, ajouts, amputations ou modifications d’autres textes, de sorte que chaque représentation ne fait pas entendre la voix d’un auteur, mais celle de plusieurs collaborateurs, anonymes ou non, sans que l’apport de chacun soit reconnaissable. Les manuscrits, où l’on peut identifier plusieurs strates d’écriture, en portent souvent la trace. La figure de l’auteur, dans le théâtre de marionnettes, prend de multiples visages : ceux de la transmission intergénérationnelle, ceux du collectif de création, ceux aussi de ses différents modes de présence dans l’œuvre, depuis sa conception jusqu’à son interprétation, en passant souvent par la construction des marionnettes et du matériel scénique.
Le deuxième déplacement, découlant immédiatement du premier, est celui de la notion de texte. Jusqu’au milieu du 20e siècle environ, les marionnettistes n’ont que très peu fixé par écrit un état définitif des œuvres qu’ils représentaient. Conscients de ce qu’elles n’étaient pas des créations originales, ils n’en conservaient des copies écrites que pour faciliter leur mémorisation, leur reprise ou leur transmission. Accumulés par dizaines, et parfois par centaines dans des familles qui conservaient la même activité pendant plusieurs générations, les textes étaient moins des œuvres à porter à la scène que des histoires à adapter en fonction du contexte de la représentation, du public visé et de ses réactions. Dans une profession où la transmission se fait encore par l’exemple, par l’imitation et par l’oralité, le texte est moins important que la fable racontée, le détail du dialogue moins que celui du noyau dramatique. À cet égard, l’histoire des textes écrits par les marionnettistes est d’abord une histoire des fables, de leur circulation dans l’espace et de leur inscription dans le temps.
Un troisième déplacement concerne la définition même du geste de l’écriture, particulièrement sensible dans la création contemporaine, mais déjà à l’ébauche dans les productions plus anciennes. Les arts de la marionnette se caractérisent en effet toujours plus par la place déterminante donnée aux instruments dans la dramaturgie. Articulant étroitement les qualités plastiques de ces instruments (matériaux, construction, techniques d’animation) à la fable représentée, l’écriture se fait plurielle : verbale et visuelle tout à la fois. Elle peut prendre appui sur la musique ou sur le rythme. Elle peut même délaisser toute parole et se faire entièrement visuelle, comme les pièces de Philippe Genty et de tant d’autres l’ont montré depuis longtemps. Le processus de création, la réception, la transmission et la conservation des traces s’en trouvent considérablement modifiés, au point que l’idée même d’un répertoire peut être remise en question.
Questions :
Une attention particulière sera apportée aux questions suivantes :
- Des textes sans auteur ? De trop d’auteurs ? L’écriture pour marionnettes est souvent plurielle : textes transmis de génération en génération avec ajouts, suppressions, modifications ; textes composés collectivement à partir d’improvisations ; textes élaborés en dialogue avec les autres collaborateurs du spectacle. Quelle définition de l’auctorialité engagent les pratiques de composition des marionnettistes ? Celle-ci s’étend-elle aux autres composantes, notamment matérielles (la construction), de la représentation ?
- Quels protocoles d’écriture ? Le texte est-il écrit avant ou pendant les répétitions ? Après les représentations ? Se nourrit-il des allers-retours avec l’atelier de construction des marionnettes ? Est-il fixé ou bien se modifie-t-il selon les représentations ? Est-il déterminé – et si oui, en quoi ? – par le choix des instruments ?
- De quoi l’écriture se nourrit-elle ? D’une œuvre préexistante, adaptée ou réécrite ? D’une recherche documentaire ? D’improvisations collectives ? Des potentialités expressives des marionnettes et des matériaux ? De schémas rythmiques ?
- Quels sont les supports utilisés pour la composition ? L’écriture ? Le story-board ? La partition ? L’enregistrement vidéo ? Comment sont agencés les différents langages convoqués sur la scène ?
- Quelles traces subsiste-t-il une fois le cycle de vie du spectacle achevé ? Une version finale du texte ? Un enregistrement sonore ou audio-visuel ? Un canevas ou un résumé ? Une partition ? Quels écarts peut-on observer entre le spectacle et ses traces ?
- Quelles sont les modalités de conservation, de reprise et de patrimonialisation des répertoires des marionnettistes ? Comment les mouvements sont-ils notés ? Quel rôle peuvent ici jouer les institutions ? Quels modes de valorisation peuvent-elles en proposer ?
Propositions de communication et calendrier de soumission :
Les propositions de communication, prévues pour une durée de 20 minutes, sont à envoyer par courrier électronique pour le 2 janvier 2023 aux deux adresses suivantes : didier.plassard@univ-montp3.fr et carole.guidicelli@univ-montp3.fr. Elles prendront la forme d’un résumé en français ou en anglais, de 300 à 500 mots, accompagné d’une notice biobibliographique et des coordonnées personnelles de l’auteur.
Les communications pourront être présentées soit en français, soit en anglais.
Conformément aux principes de la science ouverte, les actes du colloque seront publiés sur une plateforme gratuite et accessible à tous. Ils feront en outre l’objet d’une édition sur papier, dans la série « Arts de la scène » des Presses Universitaires de la Méditerranée.
Comité scientifique : Sarah ADAMS (Gand), Jean BOUTAN (Zurich), Jo Ann CAVALLO (New-York), Alfonso CIPOLLA (Turin), Sophie COURTADE (Montpellier), Francesca DI FAZIO(Montpellier), Carole GUIDICELLI (Montpellier), Yanna KOR (Montpellier), Sandrine LE PORS (Montpellier), Anna LEONE (Montpellier), Paul PIRIS (Londres), Didier PLASSARD (Montpellier), Giuseppe POLIMENI (Milan), Lars REBEHN (Dresde), Toni RUMBAU (Barcelone), Gert TAUBE (Francfort), Pauline THIMONNIER (Poitiers), Christine ZURBACH (Evora), Jean-Claude YON (Paris).
Dernière mise à jour : 18/04/2023